Depuis une décennie, le monde entier subit de grands changements au niveau politique, social, culturel et économique. Avec l’avènement de la globalisation, les rapports entre les hommes se font d’une toute autre manière. Le « désenchantement du monde » dont parlait Max Weber révèle le malaise profond de la nouvelle société mondiale. L’effondrement des certitudes et des valeurs sociales et humaines, a plongé l’homme dans une dépression, une inquiétude qui affecte même son comportement. Les mutations technologiques et le désordre économique qui ont conduit à la crise financière mondiale et l’apparition de la menace écologique, imposent à l’homme de nouvelles questions. Nous vivons dans un monde en pleine mutation et on assiste au désarroi social, l’accroissement des inégalités et des injustices sociales, de nouvelles formes de pauvretés et d’exclusions surgissent ; on assiste aussi à une crise profonde des valeurs humaines et du sens du travail et de la vie, l’exercice du pouvoir est de plus en plus remis en question et contesté par des masses populaires qui réclament leur droit fondamental à l’expression. Devant le chômage grandissant et la prolifération de l’irrationnel, les sentiments nationalistes, intégristes et xénophobes développent la haine de l’étranger. La grande distance entre les personnes et le refus de la proximité conduisent inéluctablement à la méfiance, à la suspicion et au meurtre. La volonté de domination des uns suscite la réaction terroriste des autres. La guerre permanente caractérise désormais les relations entre les hommes. Une telle effervescence mondiale a fait naître chez les hommes le besoin de communiquer. Jürgen Habermas peut affirmer : « Il y a dans la nature une subjectivité encore enchaînée qui ne pourra être délivrée avant que la communication des hommes entre eux ne soit libre de toute domination »1. L’absence de dialogue entre les hommes et les peuples est l’une des causes profondes des guerres intestines qui détruisent nos sociétés. Le problème de la communication a réduit au silence l’idéologie du progrès par le travail qui a caractérisé le XIXe siècle, pour faire place au pouvoir médiatique qui émerge. Tout le monde veut communiquer, s’informer de ce qui se passe sous d’autres cieux. Tout le monde veut donner son point de vue et faire entendre sa voix au­delà de ses frontières terrestres et linguistiques. L’information en temps réel est devenue le nouveau paradigme. De plus, le développement du marché financier laisse apparaître d’autres préoccupations : le besoin d’acquérir et de vendre.

              Devant la réalité des besoins illimités de l’homme, la question du bonheur comme satisfaction de tous ses besoins s’impose. La contradiction existentielle est un fait. Notre existence humaine sur terre est limitée, mais l’avenir offre aussi la possibilité à l’homme de se maintenir dans le temps, de pérenniser son action et son œuvre pour l’éternité. La contradiction de l’existence humaine plonge dans l’angoisse et ouvre à la question du sens de la vie. L’accumulation des richesses, la croyance en Dieu, en la vérité absolue, sont autant de voies de solutions qui s’offrent à l’homme. Il y a même un nouveau système mondial qui s’est érigé en divinité : c’est le système PPII qui signifie Planétaire, Permanent, Immédiat et Immatériel. Par ce système, l’homme se sent de plus en plus dieu. A cet effet, Ignacio Ramonet, dans Nouveaux pouvoirs, nouveaux maître du monde : Un monde sans cap, affirme que ces quatre caractéristiques nous rappellent les quatre attributs de Dieu. Il ajoute : « Tout a désormais tendance à s’organiser en fonction des critères PPII : valeurs boursières, valeurs monétaires, information, programmes de télévision, multimédia, cyberculture, etc. C’est pourquoi on parle tant de « globalisation » ou de « mondialisation » ». Au cœur de ce système se trouve évidement l’argent. Celui­-ci fascine et aveugle les hommes. Les hommes sont capables de consacrer à l’argent toute leur intelligence et leurs ressources plutôt que de secourir ceux qui sont en difficulté dans le monde. Au­-delà de toute cette fascination pour le court terme, ou pour le profit immédiat, nous constatons que le système du marché financier n’a pas pour vocation de donner un sens ou une orientation claire aux hommes. L’économie est incapable de prédire l’avenir des hommes, de la nature ou de l’environnement, de soigner les fractures sociales, de prévoir l’extension des villes, bref l’avenir de l’humanité devient problématique. L’homme suit le chemin de sa déchéance dans la croissance exponentielle de la vie économique.

              Face à cette grande diversité de problèmes humains, nous nous posons la question de l’avenir des relations humaines. La question du vivre­-ensemble se pose comme une réalité liée à l’avenir de l’homme sur terre. Sa relation avec le monde, la nature et les autres hommes a un impact réel sur l’humanité toute entière. La question du mal social qui détruit le monde, ne trouve­-t-­elle pas sa solution au sein même des relations que l’homme entretient avec son environnement naturel et humain ? Quel pourrait être le fondement de la guerre entre les hommes ? L’homme, est-­il toujours-et­-déjà déterminé par son intéressement, ou alors est­-il aussi l’étonnante possibilité de donner et de se donner ? Notre réflexion sur la société humaine, inspirée par le philosophe Levinas, nous conduira à considérer d’abord la question des modalités d’être du Moi et d’Autrui, puis celle du passage de la relation purement économique à la relation métaphysique qui s'exprime dans le don et enfin nous terminerons par une petite réflexion personnelle sur le rôle social de l’argent compris comme catégorie philosophique.

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